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Mohamed Ali célèbre photo sur le ring

les combats d'une vie
mohamed ali

Cette célèbre photographie de Mohamed Ali fut prise en 1965 au cours de son second combat contre Sonny Liston. Ce dernier vient d’être mis au tapis par ce direct du droit que l’histoire nommera phantom punch – le coup de poing fantôme – pour sa rapidité qui le rendit invisible aux yeux de beaucoup, faisant même croire à une glissade de Liston. Ali exhorte son adversaire à se relever. Tout ce qui fait le sel de The Greatest est là : imprévisible, impétueux, toujours prêt à combattre, encore et encore.

Derrière lui, à travers ces photographes au premier rang et ce public que l’on devine dans la pénombre, c’est toute l’Amérique qui scrute ce phénomène dont poings et mots, combat après combat, déroutent, percutent, soulèvent les foules, risquent, virevoltent, choquent, brisent des résistances, déplacent des lignes. 

Les poings émancipateurs

Tout commence dans le Kentucky pour Mohamed Ali, né Cassius Marcellus Clay. Le garçon a des origines irlandaises du côté de sa mère. Son arrière-arrière-grand-père, Aby Grady, s’était installé dans la région au cours des années 1860 ; il y épousa une ancienne esclave afro-américaine.

Cassius Clay grandit à Louisville où sa mère œuvre comme cuisinière et femme de ménage pour des familles blanches aisées, son père vend des gravures commerciales et religieuses. Le jeune homme évolue dans un monde où Blancs et Noirs vivent séparés, n’usent pas des mêmes toilettes, ne se rendent pas dans les mêmes cinémas ; les restaurants du centre-ville sont presque tous interdits aux gens de couleur.

À douze ans, Cassius se fait voler sa bicyclette. En rapportant les faits à un policier, il lui fait part de son désir de vengeance. Ce dernier lui conseille d’apprendre à boxer pour pouvoir se défendre. La pratique de la boxe anglaise s’invite alors dans la vie du gamin de Louisville comme une révélation, mais aussi un moyen d’échapper à la ségrégation raciale. L’univers de la boxe est alors une des rares sphères de la société où Blancs et Noirs se côtoient. Quelques semaines seulement après s’être initié au noble art, le jeune Cassius Clay gagne son premier combat. Le premier d’une très longue série. 

Mohamed Ali Les Revers de la Médaille

Celui qui deviendra Mohamed Ali sera bel et bien un homme de combats, au pluriel, tous menés de front : 

  • sur le ring, depuis son premier titre majeur à dix-huit ans aux JO de Rome en 1960, en passant par sa victoire contre « l’invincible » Sonny Liston en 1964 – lui offrant son premier titre de champion du monde –, jusqu’à ses combats légendaires contre Joe Frazier et Georges Foreman qui l’érigeront au statut de The Greatest

  • pour les droits civiques de la communauté afro-américaine, dont il se fait porte-parole aux quatre coins du monde 

  • pour sa quête spirituelle, qu’il mène dans la foi musulmane en s’engageant pour Nation of Islam aux côtés de Malcom X

  • contre la guerre du Vietnam, au risque de compromettre son extraordinaire destin sportif. 

Choisir ses combats

En 1964, Cassius Clay se convertit à l’islam et rejoint l’organisation Nation of Islam. Son dirigeant, Elijah Muhammad, lui donne son nom religieux, celui qui résonnera dans l’histoire : Mohammed Ali. Le jour où je suis devenu musulman, j’ai mis le pied dans un ring au sein duquel un combat était déjà en cours : celui mené par les Afro-Américains pour la liberté et la justice.

Plus encore qu’une quête spirituelle, cet engagement dans l’islam constitue alors une voie d’émancipation pour nombre d’Afro-Américains. Nation of Islam se présente alors comme un mouvement politico-religieux qui dénonce avec virulence l’oppression des Blancs. Porté par Malcom X, le discours identitaire de Nation of Islam, teinté de suprémacisme noir, défend l’idée du séparatisme, encourage parfois les recours à la violence. Autant de positions dont Ali s’éloignera après l’assassinat de Malcom X en 1965. Il est alors en passe de se consacrer à un autre combat. Nous sommes en 1967, Ali refuse d’être enrôlé dans l’armée américaine pour mener la guerre au Vietnam. 

Mohamed Ali combat Les Revers de la Médaille
Mohamed Ali Jeux Olympiques, Les Revers de la Médaille

Un ring de la taille d'un monde

Aucun Viêt-Cong ne m’a jamais traité de nègre, cingle-t-il, renvoyant l’Amérique à ses propres démons. De quel droit me demandent-ils d’enfiler un uniforme, de partir à 16 000 km de chez moi et de bombarder et de tirer sur d’autres gens de couleur au Vietnam quand ceux qu’ils appellent nègres sont traités comme des chiens et privés des droits les plus fondamentaux ? Non, je n’irai pas à 16 000 km de chez moi pour aider à assassiner et à brûler un autre pauvre peuple juste pour perpétuer la domination des esclavagistes blancs sur les gens de couleur partout dans le monde. Ce mal doit cesser maintenant. 

Accusé de désertion, Ali est déchu de son titre, perd sa licence, se voit confisquer son passeport et être condamné à une amende de 10 000 dollars ainsi qu’à cinq ans de prison. S’il échappera à son incarcération grâce à son procès en appel, sa carrière n’en est pas moins interrompue. Lui, l’invaincu, au sommet de son art, s’apprête à passer près de quatre longues années à se battre en dehors du ring.  

Le cas Mohamed Ali divise alors profondément l’Amérique, mais l’homme devient pour beaucoup bien plus qu’un champion de boxe : il est à la fois le symbole et le porte-parole de la contestation contre les inégalités. 

En 1968, Ali multiplie les prises de parole dans les campus aux quatre coins du pays. La jeunesse américaine est on ne peut plus réceptive, touchée par ce discours qui répond à l’injustice par la combativité, à l’injonction par l’insoumission, à la persécution par la dignité. 

À ceux d’entre vous qui pensent que j’ai perdu tant de choses, j’aimerais dire que j’ai tout gagné. J’ai la paix du cœur ; j’ai la conscience tranquille et libre. Et je suis fier. Je me réveille heureux, je vais me coucher heureux, et si je vais en prison, j’irai heureux.

La Cour suprême des États-Unis annule les accusations de désertion en 1971 et Ali rechausse les gants qui le mèneront à de nouveaux titres de champions du monde en 1974 et 1978. Sa figure iconique de résistance, qui a outrepassé les cordes du ring depuis longtemps, déborde désormais les frontières américaines. Il est le héros des non-alignés, de Cuba au Vietnam en passant par le Zaïre.

La légende planétaire Ali est en marche.

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