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un peu plus de 800 mètres, 
kathrine switzer

Aux États-Unis, les femmes ont le droit de vote depuis 1920. En 1967, elles n’ont toujours pas le droit de courir plus de 800 mètres. Les autorités médicales pensent que cela pourrait déformer leur corps, voire décrocher leur utérus. Il est tout simplement impensable pour une femme d’entreprendre la course reine d’alors, le marathon de Boston et ses 42,195 kilomètres.

Courir vers un destin choisi

Kathrine Switzer naît en 1947 en Allemagne, où son père, colonel de l’armée américaine, a été affecté durant l’occupation d’après-guerre. Elle grandit toutefois aux États-Unis où elle entreprend des études de journaliste à l’université de Syracuse, dans l’état de New York. Kathrine est une jeune femme éprise de sport, une passion héritée d’un père militaire qui l’initia très tôt à la course à pied. Elle intègre le club de cross-country de son université, jusqu’alors exclusivement masculin. À une époque où les filles les plus sportives des universités étaient surtout destinées à être pom-pom girls, Kathrine s’entraîne ardemment à la course avecune idée en tête : rejoindre l’équipe de hockey sur gazon de son école. Mais un rêve peut en chasser un autre. La course devient rapidement une passion et d’autres objectifs se dessinent alors dans son esprit : outrepasser les obstacles que d’aucuns voudraient mettre sur sa route de coureuse.

En 1966, Tom Miller, le petit ami de Kathrine, un ancien footballeur américain reconverti dans le lancer de marteau, parcourt le marathon de Boston en 3 h 35. Clandestinement, Bobbi Gibb, une jeune femme partie sans dossard depuis un buisson, achève cette même course en 3 h 21. Un déclic pour Kathrine.

En lettres capitales

La jeune étudiante s’entraîne à l’université aux côtés de son coach Arnie Briggs, un facteur de cinquante ans, survivant de la Seconde Guerre mondiale. L’homme compte déjà quinze marathons de Boston à son actif.

« Arnie me disait que le plus beau jour de sa vie chaque année, c’était le marathon de Boston. ». Aux récits épiques de son coach, l’élève finit par répondre : « Oh, Arnie, arrêtons de parler du marathon de Boston et faisons-le ! ».

Kathrine Switzer s’enregistre officiellement au tournoi en apposant la signature qu’elle utilise pour le journal de l’école : K.V. Switzer. Des initiales dans lesquelles ne peut se déceler le sexe.

Le 19 avril 1967, se tiennent sur la ligne de départ près de 750 coureurs. Le temps peu clément contraint un bon nombre d’entre eux à revêtir d’amples survêtements. Les organisateurs ne remarquent pas Kathrine. Pourtant, elle n’a pas cherché à cacher sa féminité. Dans un geste mâtiné de militantisme, elle arbore fièrement son rouge à lèvres et ses cheveux mi-longs tenus par un serre-tête. Les participants l’apostrophent, entre surprise, bienveillance et admiration : « Hey, tu vas faire toute la course ? », « C’est super de voir une fille ici ! », « Tu peux me donner des conseils pour que ma femme se mette à courir ? ».

Kathrine Switzer au Marathon de Boston

Courir par vent contraire

Kathrine Switzer porte le dossard n°261, épaulée par son coach Arnie Briggs avec le dossard n°490 et son petit ami Tom Miller avec le n°390. La course peut démarrer. Au sixième kilomètre, Jock Semple, l’organisateur en chef du marathon, repère l’intruse et se met à ses trousses. « Dégage de là, sors de ma course !  », vocifère-t-il. « Il a réussi à agripper mon maillot, racontera Kathrine, tenté d'arracher mon dossard. J'étais absolument terrorisée... ».

Le triptyque montre cette jeune femme en tenue claire, qui ne fait que courir, poursuivie par un homme en noir, résolument convaincu à lui arracher son dossard et sa légitimité. L’assaillant est repoussé vigoureusement par des hommes qui soutiennent ce nouvel élan incarné par Kathrine.

Décontenancée, l’unique participante du marathon est traversée un instant par l’idée d’arrêter sa course. Avant de vite se raviser.

« Si j’abandonnais, Jock Semple et tous ceux de son espèce auraient gagné. Ma peur et mon humiliation se sont changées en rage. ».

Malgré l’hostilité du climat, Kathrine Switzer puise dans sa révolte la force et le courage de boucler le marathon en 4 h 20. Elle est immédiatement suspendue par les instances sportives américaines. Qu’importe, ces instances ne pourront bientôt plus grand-chose face à la marche de l’histoire. L’étudiante de Syracuse vient d’ébranler les idées reçues d’une discipline et sans doute d’une partie de la société. Dès que j’ai franchi la ligne d’arrivée, j’ai su que ça allait être le combat de ma vie.

Cinq continents de femmes dans son sillage

Cinq ans plus tard, Jock Semple, l’homme en noir, autorisera les femmes à concourir au marathon de Boston. Kathrine va poursuivre une belle carrière de coureuse, emportant notamment le marathon de New York féminin en 1974 (3 h 07) et passant sous la barrière symbolique des 3 heures, en 1975, lors du marathon de Boston (2 h 51). Plus que l’athlète, c’est la pionnière, la briseuse de digues et la femme d’influence que l’histoire retiendra.

Kathrine Switzer va multiplier les organisations de courses féminines dans le monde entier, du Brésil à la Malaisie en passant par Londres où elle crée le premier marathon féminin de la ville. Au total, grâce à ses actions soutenues par son sponsor – le groupe de cosmétiques Avon –, pas moins de 400 courses féminines seront organisées sur les cinq continents. La reconnaissance de la course féminine, portée par Kathrine Switzer, finira par s’imposer aux yeux du CIO du programme olympique. Les JO de Los Angeles en 1984 ouvriront enfin le marathon aux femmes.

Kathrine est désormais journaliste et auteur, poursuivant son combat des idées sur d’autres pistes, partageant ce legs qui inspirera d’autres jeunes femmes – ou jeunes hommes d’ailleurs – au moment de bousculer des inégalités établies.

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