megan rapinoe : se hisser sur le toit du monde pour s'y faire entendre
Elle est la figure d’une génération. Des cheveux tantôt blond platine, tantôt bleus, roses ou violets. Une grande gueule. Mille combats.
Droitière jouant milieu offensif gauche, elle repique souvent vers l’intérieur du terrain, direction la cage adverse, là où se joue le destin des matchs. Elle dribble, cherche la faille, frappe… Quand son équipe perd la balle, elle se replie avec la hâte de ceux qui ont le sens du devoir chevillé au corps. Elle est aussi une grande adepte du tacle, sur comme en dehors du terrain.
Celle que l’on surnomme « Pinoe » est assurément engagée, pleinement, dans tout ce qu’elle entreprend. Cette icône féminine du football mondial, passée par l’Olympique lyonnais, a tout gagné : double championne du monde avec les États-Unis (2015 et 2019), championne olympique (2012), Ballon d’or récompensant la meilleure joueuse de la planète (2019).
Elle est devenue un visage incontournable aux États-Unis. Incontournable, mais clivant. Comme tous ceux qui portent haut leur voix dans cette nation particulièrement clivée.
En 2016, Pinoe reproduit le geste de Colin Kaepernick et pose un genou à terre durant l’hymne américain, protestant contre la mort de George Floyd, cet Afro-Américain asphyxié au cours d’une interpellation policière. C’est la première sportive, mais aussi la première personne blanche, à le faire.
En 2019, après sa victoire en Coupe du monde, elle refuse de se rendre à la Maison-Blanche, affirmant son désaccord avec la gestion politique des minorités par l’administration Trump.
En 2022, après une lutte de 5 années, elle contribue à l’obtention de l’égalité salariale entre les équipes américaines de football, masculine et féminine.
À l’instar de sa suractivité sur le terrain, les causes défendues par Pinoe ne s’arrêtent pas là : droit à l’avortement, dénonciation des abus sexuels au sein de la Ligue nord-américaine… Il faut remonter au premier engagement de cette battante pour en comprendre la trajectoire. Il est intimement lié à sa vie, à ce qu’elle est.
Megan Anna Rapinoe naît en 1986 en Californie au sein d’une famille de 5 frères et sœurs. Le milieu est rural, modeste et plutôt empreint de valeurs religieuses à tendance conservatrice. Ses parents, pourtant, l’ont toujours soutenu dans tous ses choix. Megan a une sœur jumelle, Rachael, et un modèle : son grand frère Brian.
Elle et sa sœur se passionnent pour le foot et commencent à y jouer dès 5 ans. Douées, elles gravissent les échelons pendant que le grand frère modèle, lui, sombre : drogues, délits, prison, suprémacisme blanc.
Diplômée en sociologie et sciences politiques, joueuse professionnelle, Megan devient progressivement une sportive et une femme affirmée. Dans toutes les composantes de sa vie. Quand sa sœur lui confie partager la vie d’une femme, Megan lui fait la même confidence en retour. Avant un coming-out public en 2012, à l’approche des Jeux olympiques. Cette déclaration est un soulagement : « Je me suis sentie beaucoup plus libre en allant à Londres et je pense que c'est dans ces moments-là que je suis la plus forte et la meilleure version de moi-même. ».
De là sans doute naît chez Megan son esprit de solidarité avec toutes les minorités qui estiment subir des discriminations. Elle va se battre pour les droits LGBT, en devenir une porte-parole. Ce qui fera dire à Bille Jean King (ancienne numéro 1 mondiale de tennis, première sportive à avoir fait son coming-out publiquement) : « Megan s'est tenue sur les épaules de ma génération et les générations futures se tiendront debout sur les siennes. ».
Lors de son premier but en sélection, Megan offrit une célébration singulière : elle attrapa un micro de captation au bord de la pelouse pour y hurler Born in the USA de Bruce Springsteen. Tout y est : son grain de folie, son audace, la revendication de sa fierté américaine, à sa manière. Ses détracteurs l’ont accusé d’anti-américanisme pour refuser d’entonner l’hymne américain depuis 2015. Elle incarne simplement une autre Amérique que la leur. Elle en est devenue une figure qui transcende largement le monde du sport. Et ce n’est sans doute pas sa retraite sportive, prise en 2023, qui la fera taire.
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